À offrir ou à vous offrir

Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France

Entretiens de Christophe Penot

A vous offrir ou à offrir

Un livre événement dont tous les médias ont parlé. Les souvenirs inédits d'un journaliste reconnu comme le meilleur spécialiste mondial du cyclisme. Pierre Chany évoque, par des anecdotes drôles, graves ou cocasses, toujours belles, la vie et la carrière des Coppi, Bobet, Bartali, Koblet, Anquetil, Poulidor, Merckx, Ocaña, Thévenet, Hinault, LeMond, Fignon, Indurain qui furent tous ses amis. Il salue l'épanouissement de Laurent Jalabert. Jamais on n'a parlé avec tant de franchise sur l'orgueil, l'argent, la gloire et le dopage dans le sport. Un document passionnant à lire absolument.

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- chez votre libraire habituel

- par correspondance, en adressant votre commande sur papier libre aux Éditions Cristel, 7 avenue Jules-Simon, F-35400 SAINT MALO, FRANCE accompagné de votre chèque de 17,99 euros (les frais de port sont offerts) à l'ordre des Éditions CRISTEL. (Dédicace de l'auteur sur demande.)

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Voici quelques extraits du livre :

- La réalité du dopage

- Les débuts d'Anquetil

- Les pudeurs de Bobet


La réalité du dopage

" Je vais vous raconter une anecdote qui eut pour cadre le Grand Prix de Forli, une course qui se disputait contre la montre. Jacques Anquetil et Ercole Baldini en étaient les deux favoris. Ils avaient beaucoup d'estime l'un pour l'autre. D'ailleurs, ce soir-là, ils dînaient ensemble avec moi et avec quelques proches. Je ne sais plus lequel des deux a commencé... En tout cas, il y en a un qui a dit : "Tu sais quoi ? Puisqu'on est les deux meilleurs, et qu'on est sûrs de faire un ou deux, on ne va pas s'user la santé. On va laisser tomber les amphet'. Demain, juste pour voir, on n'a qu'à tout faire à l'eau minérale... "

L'autre est d'accord. Ils partent se coucher. Le lendemain, parce que c'étaient tous deux des hommes de parole, ils font la course à l'eau minérale. Ils ont certes pris les deux premières places, mais ils ont souffert comme des damnés pour réaliser une moyenne horaire qui, au bout du compte, était inférieure d'un kilomètre et demi à leurs moyennes habituelles. " On ne recommencera jamais ! " m'ont-ils affirmé en descendant de vélo. "


Les débuts d'Anquetil

Christophe Penot : Avant de se révéler au Grand Prix des Nations comme vous l'expliquiez tout à l'heure, Jacques Anquetil avait survolé la finale du "Maillot de Paris-Normandie", une épreuve alors très cotée. Quelle fut votre première impression lorsque vous avez lu le classement ?

Pierre Chany : J'étais impatient de le voir à l'œuvre dans le cadre des Nations. Hé ! je ne l'avais encore jamais vu ! Je ne le connaissais que de réputation. Francis Pelissier m'avait dit : " Il y a un môme, à Rouen, qui réalise des moyennes extraordinaires... " Yvon Marie, un autre Normand très bon rouleur, m'avait confirmé le propos : "Celui-là, quand tu vas le voir arriver..." Effectivement, je l'ai vu arriver ! C'était affolant ! Il a quand même battu le record de Koblet ! Il a mis dix minutes à presque tout le monde.

Je me souviens très bien : il était debout devant moi, et je le regardais sans arriver à y croire. J'étais déconcerté parce qu'il n'avait pas d'apparence. Il était fluet, frêle, pâle, avec des veinules violettes sous les yeux et sur les tempes. Franchement, quand on le voyait comme ça, descendu de machine, on ne pouvait pas deviner qu'il était un prodige... En revanche, on devinait tout de suite qu'il avait un sacré caractère ! Figurez-vous qu'il tenait tête à Francis Pélissier, ce qui était loin d'être la règle. "Non ! Monsieur Francis, moi je ne m'entraîne pas comme ça ! Oui ! Monsieur Francis, je veux manger une langouste à la mayonnaise tout de suite !" disait-il. Pélissier le regardait, incrédule. "Des fois, des fois, je lui collerais bien une beigne !" sifflait-il avant d'ajouter, car il était littéralement sonné par ce môme : "C'est un drôle de coursier !"


Les pudeurs de Bobet

Louison Bobet, pour en revenir à lui, tenait à l'idée qu'un champion devait être toujours respectable. Il y tenait si fort qu'il en devenait maniéré. Raphaël Geminiani s'est souvent plu à me raconter une histoire qui, somme toute, lui ressemble assez bien. C'était chez Louise de Vilmorin, lors d'un dîner auquel assistait la femme de Rubirosa, un richissime play-boy qui faisait les beaux jours de la jet society. Louison avait gagné son troisième Tour ; il était au sommet de sa gloire ; il était surtout flatté d'entrer dans ce cercle artistique qui, c'est vrai, n'avait pas pour habitude d'accueillir des sportifs. J'ajoute, car la précision a son importance, que Louison venait de subir une douloureuse opération à la selle. Prévenante, la maîtresse de maison s'informe : "Alors, mon cher Louison, j'ai lu dans les journaux que vous sortiez de l'hôpital. Que vous est-il arrivé ?"

Tout de suite, Louison devient blanc – enfin, je vous le raconte comme le raconte Raphaël, et vous allez voir, finalement, que c'est assez drôle. Louison est gêné. Il a été opéré juste sous les bourses, et il est persuadé qu'on ne doit pas parler de ces choses devant les dames, et surtout quand ces dames sont à table. Moyennant quoi, il tergiverse. Il cherche ses mots. Il essaie de faire "stylé", alors qu'il faudrait faire "direct". Toujours selon Raphaël, voilà ce que cela donne :

" Vous comprenez, ma chère Louise, que le sport cycliste est un sport difficile, ingrat, qui pousse les athlètes à affronter les périls de la route malgré la pluie et le vent. Ces athlètes, les cyclistes, font des efforts prodigieux, assis sur un petit morceau de cuir qui ma foi n'est pas toujours confortable. Il s'ajoute aussi, ma chère Louise, le fait qu'ils doivent pédaler. Et malgré la valeur, malgré le courage, l'ardeur de ces athlètes, il peut arriver que le corps souffre et que installés comme ils le sont sur des petits morceaux de cuir qui, vraiment, n'ont rien de confortable, il se peut, ma chère Louise, qu'ils se blessent, et que leurs poches soient blessées

- Leurs poches ? fait l'épouse de Rubirosa qui ne voyait pas très bien ce que les poches de Bobet faisaient sur sa selle.

- Oui, les poches ", reprend Louison qui ne veut toujours pas cracher le morceau. C'est à ce moment-là que Raphaël, qui commençait à s'ennuyer au bout de la table, aurait littéralement explosé : "Les couilles ! Zonzon. Les couilles, pas les poches ! Dis-leur que tu avais les couilles en sang !"

Il y eut un petit silence. Puis la voix de la femme de Rubirosa s'est élevée, un peu canaille, pour s'enquérir comme il sied : "Alors, monsieur Bobet, ces couilles, comment vont-elles ?"

Voulez-vous que je vous dise : malgré ce qu'il peut y avoir d'exagération, tout Louison est dans cette histoire-là !